Hubert Renard

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Seuils et terrasses

Seuils et terrasses, c’est le titre. Le titre est une porte. C’est un texte hors du texte qui invite à entrer. Pas encore le texte (1), mais déjà tout le texte. On dit l’Iliade et l’Odyssée et on est déjà dans les épopées d’Homère (2). Il y a de grands portails et des entrées dérobées, des titres officiels et des titres courants (3) : on dit la Recherche et c’est toute l’œuvre de Proust qui apparaît. Le titre est ce point de bascule entre le monde réel et celui rêvé du texte, l’endroit précis où l’on passe d’un espace à un autre (4). Le titre reste sur le seuil : pas encore dedans, pas vraiment dehors, dans l’épaisseur de la limite. Le titre ouvre comme le point ferme. Un point à la ligne.

Aller à la ligne, c’est installer dans le texte une zone de transition, une ponctuation, un arrêt, un silence. Entre deux alinéas un paragraphe se crée : le texte se stratifie ainsi (5). Entre deux paragraphes apparait une ligne d’horizon blanche dans l’épaisseur du texte (6). Un panorama en suspens, une aire de contemplation, le hors-texte dans le texte. L’alinéa ouvre un point de vue.

Titres et alinéas sont les seuils et les terrasses du texte (7).
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1- On ne sait parfois pas qui en est l’auteur…
2- En tout cas dans les deux poèmes épiques qui sont arrivés jusqu’à nous sous cette signature.
3- Alors qu’on lui demandait le titre d’une œuvre juste achevée, Hans Arp répondit avec à-propos : « Fourchette ou Trou du cul, comme il vous plaira. » Ni l’un ni l’autre ne furent retenus, apparemment.
4- Les premiers titres n’étaient-ils pas des incipit, les premiers mots d’un texte ?
5- Il se stratifie si bien qu’un alinéa désigne à la fois le décalage de la première ligne, le saut de ligne lui-même ou bien le paragraphe.
6- Et c’est un coup de dés qui nous a révélé l’importance des zones vides entre les pleins du texte.
7- Et les notes de bas de page sont-elles des issues de secours ?

Hubert Renard, 2014

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