l’Enfer sur le terrain vert

Entre l’iconographe ponctuel, l’amuseur – ou «bateleur» – et l’auteur du dimanche, Philippe Fretz réalise une œuvre peinte qui le place parmi les artistes figuratifs, et plus précisément narratifs. Pour nouvelle preuve, le cycle présenté à la galerie Univers, à Lausanne, qui se réfère, dans un premier temps (suivront, dans un mouvement ascendant, le Purgatoire et enfin le Paradis, qui permettra aux visiteurs de revoir les étoiles), à l’Enfer de Dante. Un Enfer dont les neuf cercles font l’objet d’autant de peintures à l’huile sur toile, qui mêlent joyeusement, en dépit du caractère désespérant du thème, des aspects modernes et le texte médiéval, le sport (le golf et les neuf trous de son terrain balisé et peaufiné) et la poésie.

Le tout baigne dans des tonalités de gazon bien vert et de terre ocre, «divine chromatie» qui caractérise le travail entier du Genevois. Autant que les personnages, aux visages passe-partout (au point qu’on se demande s’il ne s’agit pas de la répétition d’un même personnage, sorte de clone du peintre ou de nous-mêmes, spectateurs entrés dans l’espace de la peinture), aux habits d’hier et d’aujourd’hui, les symboles abondent, souvent farfelus et non dénués d’une naïveté assumée. Curieux mélange, et curieux travail, qui séduit le mieux lorsqu’on ne cherche pas trop à démêler le vrai du faux et à résoudre les énigmes.

Cet ensemble est entouré de quelques dizaines de plus petits tableaux, morceaux d’une toile en devenir, moments de la vaste peinture inachevée qui forme l’œuvre de Philippe Fretz. Celui-ci n’hésite pas à livrer, sans distinction, des éléments de son propre parcours, avec ses «trous», ses rencontres, ses illusions, et des éclats de l’histoire de l’art et de la littérature. Le travail qui en résulte se révèle iconoclaste, parfois dérangeant, en tout cas intrigant.

«Philippe Fretz: Divine Chromatie». Galerie Univers, Lausanne. Lu 12-18h, ma-ve 9h30-18h30, sa 9h-17h. Jusqu’au 27 avril. www.galerieunivers.com

Laurence Chauvy